RENE FERET
Les premiers films de cet ancien élève de l’Ecole nationale d’art dramatique de Strasbourg (né à La Bassée en 1945), sont les plus belles preuves de son talent : Histoire de Paul (1975) ou Fernand (1979). Après le Mystère Alexina (1985), il a déjà réalisé en 1986 L’Homme qui n’était pas là.
Je filme surtout pour recréer, pour rendre la vie à ce qui a disparu. Je pense à mes films autobiographiques d’abord: dans la Communion solennelle, j’ai fait revivre mes ancêtres. Dans Baptême, mon prochain film, je redonnerai vie à mon père mort il y a vingt ans et à un frère disparu avant ma naissance et dont je porte le nom. Ce frère est, j’en suis sûr aujourd’hui, à l’origine de mon rapport au cinéma. Sa photo inanimée, en noir et blanc, était posée sur le piano dans l’ombre de la salle à manger de mon enfance. Il avait quatre ans, il souriait et je portais son nom. Il fallait que je donne du mouvement à cette image fixe. C’est seulement aujourd’hui, à quarante ans, que je m’attache à « traiter » cette image. Il va renaître dans Baptême. Dans Histoire de Paul, mon premier film, j’ai recréé mon passage à l’asile, il y a vingt ans, après la mort de mon père.
Filmer, pour c’est refaire, revivre, recréer, regarder, faire voir.
Entre ces films autobiographiques, je m’exerce à ces « résurrections » avec d’autres sujets : des romans, des nouvelles ou des faits historiques. Ainsi, j’ai redonné vie à Alexina, l’hermaphrodite, qui a vécu au XIXe siècle et qui s’est suicidé à vingt ans dans l’indifférence générale. Aujourd’hui, grâce à moi, il parcourt le monde comme un fantôme réincarné, aux Etats-Unis, en Belgique, en Argentine, en Algérie, partout, il revit son histoire, réveillant la conscience des spectateurs.
Parfois aussi, pour me divertir, je m’amuse à jouer car acteur est mon premier métier. Je suis toujours tenté. Parfois, je me l’autorise comme dans la Communion solennelle où je jouais mon père jeune et dans l’Homme qui n’était pas là, mon dernier film, où je joue un… acteur. Car je considère le métier d’acteur comme le plus important. J’imagine les superbes réponses qu’ils vous feront quand vous leur demanderez : « Pourquoi jouez-vous? ». Dans la hiérarchie des métiers du cinéma, l’acteur vient tout de suite après le personnage. Il s’inspire de lui et il le crée. Le scénariste note et propose, le metteur en scène organise, le producteur paye les techniciens et le public apprécie parfois ou tourne le dos.
Peu importe, les personnages ont retrouvé la vie. Grâce aux acteurs. Ils sont imprimés à jamais sur le négatif. Ils ont gagné l’immortalité.